lundi 3 décembre 2007

Oui à la colère... non à la violence


La colère et l'agressivité sont des expériences trop souvent méprisées. Assimilées à la violence ou au manque de contrôle elles sont dédaignées. Pourtant l'agressivité est essentielle à la poursuite de nos objectifs de vie et à notre affirmation de soi. La colère, comme toutes les autres émotions, joue un rôle important :

Oui à la colère... non à la violence

N’importe qui peut se mettre en colère. Rien de plus facile! Cependant, il est plus difficile de mesurer sa colère, de s’en prendre à la bonne personne, de choisir le bon moment et le bon motif tout en l’exprimant de la bonne façon. Devenir maître de sa colère exige des apprentissages tant au niveau de la prise de conscience de soi que de la capacité de communiquer. Comment vivre en harmonie avec la colère, la frustration ou l’insatisfaction? C’est une question qu’on a tout intérêt à se poser en tant qu’adulte. Mais comment apprendre aux enfants à vivre en harmonie avec leurs émotions? Cette interrogation devient essentielle pour tous les parents soucieux d’accompagner et d’éduquer leurs enfants dans la construction du bien-être personnel et de l’estime de soi.

Peu de parents se lèvent le matin avec l’intention de vivre de multiples conflits ou de rendre leur enfant malheureux. Nous ne disons pas: «Aujourd’hui je vais exploser, crier, injurier, gronder, blâmer, frapper et chicaner». Au contraire, nous souhaitons sécurité, amour, paix et bonheur pour nos enfants. Malgré les meilleures intentions, la guerre, hélas, se déclare une fois de plus. Nous parlons de manière irréfléchie, sur un ton qui nous désespère et qui, après coup, nous fait inévitablement ressentir un fort sentiment de culpabilité.

Des ingrédients explosifs

On ignore mon point de vue.
Nous éprouvons habituellement de la frustration lorsque les autres ne tiennent pas compte de notre point de vue.

Une troisième personne subit les foudres d’une colère qu’elle n’a pas provoquée.
Nous exprimons quelquefois notre colère envers une personne autre que celle qui a généré le conflit. Cela a pour effet de provoquer un conflit supplémentaire.

On m’accuse de quelque chose.
Nous vivons généralement beaucoup de frustrations et d’insatisfactions lorsqu’on nous accuse ou rejette le blâme sur nous.

On me traite injustement.
Nous ressentons habituellement de l’impuissance et un très fort sentiment de vengeance lorsqu’on nous traite injustement.

On m’agresse physiquement ou verbalement.
Nous éprouvons généralement de l’agressivité et de l’hostilité lorsqu’on nous taquine, critique, ridiculise, dévalorise, dénigre et sermonne. De même que l’agression physique, ces attaques verbales touchent nos points sensibles et provoquent des situations conflictuelles.

La colère c’est un peu comme la grippe. Elle est fréquente et surgit dans des moments de stress et de fatigue. Nous pouvons ne pas aimer cette réaction, mais nous ne pouvons toutefois pas l’ignorer. Nous pouvons être très conscients des motifs qui la suscitent, mais être incapable de la maîtriser.

Il y a des circonstances et des situations quotidiennes qui provoquent, à coup sûr, la colère. Celle-ci nous met dans un état violent et passager causé par le sentiment d’avoir été offensé ou agressé. Toujours soudaine et inattendue, elle se traduit généralement par des réactions agressives.


On se fâche et puis on se sent coupable...

Durant l’enfance, peu d’entre nous ont appris à considérer leurs émotions, dont la colère, comme faisant partie de la vie quotidienne. Pour une majorité, nous avons été éduqués à nier ou à réprimer la colère que nous pouvions éprouver et à nous sentir très coupable lorsque nous l’exprimions. Ainsi, nous avons été amenés à croire que la colère était mauvaise en soi et extrêmement dangereuse à exprimer. Nous avons appris que colère et violence étaient en quelque sorte des synonymes.

C’est pourquoi, maintenant que nous sommes parents, nous essayons d’être si patients avec nos enfants, tellement patients qu’au bout du compte nous explosons. Nous craignons beaucoup que notre colère nuise à nos enfants. Aussi nous la retenons le plus longtemps possible, comme un plongeur qui, sous l’eau, tente de retenir sa respiration. Pour nous, comme pour le plongeur, la capacité de «retenir» a ses limites.

C’est alors que nous perdons notre sang froid. Nous agissons souvent comme si nous avions perdu l’esprit et nous nous mettons à blâmer, crier, donner des coups, accuser, jeter les torts sur l’enfant, chercher un coupable, refuser d’écouter, menacer, faire du chantage, rabaisser l’enfant, etc. Quand l’explosion est terminée, nous nous sentons extrêmement coupables. Nous nous jurons de ne plus jamais recommencer. Mais bientôt la colère resurgit à nouveau et anéantit nos bonnes intentions. Une fois de plus, nous perdons le contrôle et nous nous déchaînons contre ceux que nous aimons.

Se résoudre à ne plus se mettre en colère est tout aussi illusoire qu’inutile. La colère chez l’humain, comme l’hiver au Québec, est un fait de la vie. Il faut vivre avec elle, la prévoir, la reconnaître et l’apprivoiser. Il vaut mieux apprendre à maîtriser sa colère que de croire naïvement que l’on puisse la réprimer ou l’éliminer complètement de notre vie.


La colère est-elle acceptable?

Chaque humain doit apprendre à reconnaître et à accepter ses émotions, même les plus violentes, afin de les maîtriser et de les exprimer plus adéquatement dans ses relations avec les autres. Chaque personne doit apprendre à exprimer son agressivité et ses émotions violentes de façon constructive plutôt que destructrice.


Voici des attitudes qui permettent d’apprivoiser notre colère:

  • Être conscient des émotions qui nous habitent.
  • Reconnaître et accepter les émotions qui émergent en nous (ne pas les ignorer, les nier, les réprimer ou les refouler.)
  • Comprendre et analyser ce qui fait surgir une émotion en nous.
  • Exprimer librement ce que nous ressentons profondément.
  • Avoir confiance que l’on nous écoute attentivement et que l’on continue de nous estimer.

Conseils pratiques pour apprivoiser la colère

Pour nous préparer, en temps de paix, à traverser les périodes difficiles, il est important, pour nous les parents, de reconnaître et d’accepter les trois éléments suivants:

  1. Nos enfants nous mettront en colère!
  2. Nous avons le droit d’éprouver de la colère sans ressentir ni culpabilité ni honte.
  3. Nous avons le droit d’exprimer ce que nous ressentons, de montrer notre colère, dans la mesure où nous n’attaquons pas la personnalité, l’intégrité physique ou l’estime de soi de nos enfants.

Ces prises de positions devraient être présentes à l’esprit des parents dans des situations concrètes où la colère s’exprime, incluant les crises conjugales. Nous devons aussi retenir que la règle fondamentale pour maîtriser la colère est de bien l’identifier, de l’appeler par son vrai nom. Cela permet d’exprimer plus clairement à la personne qui est la cible de notre colère, ce qui se passe réellement en soi.

Il est correct de dire: «Je suis ennuyé», «Je suis fâché», «Je suis choqué» ou «Je suis en colère». Si cette brève communication ne produit pas le soulagement espéré, on peut exprimer son irritation avec une intensité croissante.


Vivre en harmonie avec ses émotions

Par exemple, «Je suis en colère», «Je suis très en colère», «Je suis très, très en colère», «Je suis hors de moi».

Souvent la seule expression de l’émotion suffit pour que l’enfant modifie son comportement. Toutefois dans certaines circonstances, il peut être nécessaire d’exprimer les motifs de notre colère et de clarifier notre réaction. En voici des exemples. «Quand je t’appelle pour le déjeuner et que tu n’arrives pas, je suis fâché, très fâché. Je me dis que j’ai préparé un bon repas et que je mérite d’être félicité et non bafoué». «Quand je vois tes bottes, tes bas et ton chandail sur le plancher du salon, je deviens en colère, furieux même. J’ai envie de tout jeter ce fouillis à la poubelle». «Je suis très très fâché de te voir frapper ta soeur. Cela me rend vraiment furieux. Je perds mon sang froid. Je ne supporterai jamais que tu la blesses».«Quand je te vois te ruer vers la télévision après le souper et me laisser tout le travail, je bous intérieurement, je deviens fou. J’ai envie de prendre toutes les assiettes et de les casser sur la télévision. Mais comme je sais me maîtriser, je ne le fais pas».

Ces quelques exemples veulent illustrer comment nous pouvons, en tant que parents, exprimer notre colère et notre irritation à nos enfants sans causer de dommage. En pratiquant régulièrement cette façon de faire, les parents expérimentent un moyen sans danger d’exprimer leur colère. De plus, au contact des émotions de ses parents, l’enfant peut, à son tour, apprendre que sa propre colère n’est pas catastrophique, qu’il peut l’exprimer sans nuire à personne, sans violence. Cet apprentissage favorise l’expression de la colère d’une façon mesurée.

Apprivoiser et maîtriser leur colère permet aux adultes de montrer aux enfants des voies acceptables pour exprimer leurs émotions et leur apprendre à liquider leurs frustrations par des moyens efficaces et pacifiques. Les parents, encore de nos jours, sont les mieux placés pour enseigner à leurs enfants à vivre en harmonie avec leurs émotions. Ils peuvent les aider à mieux les identifier et à les exprimer ouvertement et pacifiquement. Par contre, les parents doivent arrêter et sanctionner tout comportement violent et destructif. Oui à la colère, non à la violence! La distinction doit être claire et nette. Mais il arrive très souvent que le seul fait d’identifier avec l’enfant ses propres émotions suffise à clarifier et à pacifier une situation problématique.

Les émotions surgissent un peu comme des vagues invisibles qui nous traversent, souvent incontrôlables, quelquefois difficiles à identifier, mais constamment présentes. L’équilibre et le bien-être personnel, chez les petits comme chez les grands, dépendent souvent de notre façon de maîtriser nos émotions.

En prenant conscience de leurs émotions, de leurs pensées et de leurs façons d’agir, les enfants découvrent progressivement que les autres personnes aussi, éprouvent des émotions, pensent et agissent d’une certaine façon. Guidé par ses parents, l’enfant apprend, pas à pas, à s’écouter vivre, à écouter l’autre et finalement à comparer ses propres expériences et réactions à celles des autres. Il découvre peu à peu que les humains, tout en demeurant uniques, ont des caractéristiques communes. Chez l’enfant, la prise de conscience de soi engendre inévitablement une prise de conscience des autres.

Les parents, à travers les situations de la vie quotidienne, ont donc de multiples occasions d’enseigner à leur enfant à vivre en harmonie avec leurs émotions. Voici des pistes pour mieux les guider.


Prendre conscience de ses émotions

Il faut savoir reconnaître et accepter nos émotions. On doit aussi faire peu à peu la distinction entre croyances, sensations et émotions et être capable de différencier les émotions agréables, désagréables ou confuses. Il faut parvenir à leur faire confiance et réussir à les assumer. Prendre conscience de ses émotions, c’est comprendre sa façon d’éprouver des états affectifs bien particuliers (colère, joie, tristesse, impuissance, etc.). Mais au-delà de l’expérience individuelle, il ne faut surtout pas oublier que les humains éprouvent toutes les mêmes émotions.


Savoir exprimer ses émotions

Les enfants comme les adultes, expriment leurs émotions d’une foule de façons: par des comportements, des attitudes, des intonations, des réactions particulières, des gestes, des mimiques, des paroles, etc.

Si nous les observons, nous nous rendons vite compte que pour la majorité des personnes la parole ne représente pas l’outil privilégié pour exprimer les émotions. Pourtant ce moyen est essentiel pour vivre en harmonie. La communication, davantage que la répression ou l’explosion émotive, permet de libérer de façon acceptable les tensions intérieures.

L’enfant doit découvrir ses façons à lui d’exprimer ses émotions. Il doit mieux se connaître et accéder graduellement à la communication (savoir s’exprimer et savoir écouter) avec les autres. Plus cet apprentissage se fait tôt, dans l’enfance, plus l’enfant devient capable d’identifier son vécu affectif, de l’exprimer avec simplicité et de se sentir compris et accepté des autres.


Respecter les émotions des autres

Il faut apprendre à respecter les émotions de l’autre, accepter de traiter avec égard son vécu affectif. On doit avoir de la considération pour ce qu’il tente d’exprimer. Respecter les émotions de l’autre, c’est être ouvert et à l’écoute de ce qu’il désire communiquer: sa joie, sa colère, sa frustration, sa peine, etc. En d’autres mots, il faut développer à l’intérieur de soi une attitude d’écoute, de compréhension et d’acceptation du vécu émotif de l’autre.

En apprenant, peu à peu, «l’écoute attentive de l’autre», l’enfant devient davantage en mesure de tolérer et d’apprécier les différences chez autrui et de vivre la coopération avec son entourage.


Saisir le rôle de ses émotions dans sa vie quotidienne

L’enfant doit apprendre que les émotions font intégralement partie de sa vie quotidienne. Ses émotions lui indiquent comment il réagit vis-à-vis de certaines stimulations internes ou externes. Il doit savoir que ses émotions sont des messages et des informations importantes qui lui sont transmis. Il importe qu’il apprenne à les maîtriser, c’est-à-dire à les décoder, à les identifier et à les exprimer pacifiquement. Ses parents peuvent certainement l’aider dans cet apprentissage fondamental.

Maîtriser son univers affectif, prendre conscience de ses émotions, les accepter, les exprimer avec simplicité, respecter les émotions des autres, tout cela c’est découvrir une façon personnelle de prendre soin de sa santé physique et psychologique, c’est s’estimer suffisamment pour vivre en harmonie avec soi et avec les autres.


Source: Richard Chevalier, Santé, Avril1997
www.acsm-ca.qc.ca

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