mardi 2 octobre 2007

Une solitude qui vous veut du bien

On souffre parfois le martyre. Mais apprendre à s’aimer soi-même pour aimer les autres, c’est une étape qui ne peut se franchir qu’en solitaire.

Quand on rentre le soir et que personne ne vous attend, quand on se retrouve seul devant son téléviseur, l’angoisse surgit, les doutes affluent. «Qu’est-ce que j’ai de spécial, de différent, de moins bien que les autres ? Pourquoi ne puis-je pas aimer et être aimé (e) ?» On n’a jamais tant parlé de communication qu’aujourd’hui, et on n’en a jamais autant manqué. Manqué ? À dire vrai, radio, télé, publicité, poste et téléphone, on n’en a jamais tant abusé ! On dit que les gens ne se parlent plus. Mais se sont-ils un jour parlés ? Croyez-vous vraiment que vos parents, vos grands-parents se parlaient ?

Communiquer, c’est s’exprimer, affirmer ses désirs, ses besoins et écouter l’autre dans les siens. C’est possible entre deux êtres qui n’ont pas peur l’un de l’autre, qui n’ont donc pas besoin de jouer des rôles ou de s’enliser dans des jeux de pouvoir, de se dissimuler ou de fuir. Deux individus qui savent être eux-mêmes, libres l’un face à l’autre.

Apprendre à s’aimer soi est un passage obligé pour aimer l’autre pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il vous apporte. C’est une étape qui se franchit en solitaire. Il faut se détacher de l’autre pour se trouver soi, se détacher du désir de l’autre pour laisser émerger le sien propre. Oser la solitude, oser la traversée du désert, pour apprendre à étancher sa soif en ne puisant qu’en soi.

Que l’on vive seul ou à deux, la route pour devenir vraiment soi-même est à parcourir seul, à l’intérieur de soi, pour y trouver ce que l’on cherchait chez l’autre. Aucun autre, si amoureux, si aimant soit-il, ne pourra jamais combler les manques du passé. Il nous incombe de guérir nos blessures, guérir l’enfant à l’intérieur de nous.

Solitude est souvent synonyme de désespoir. Elle est perte de cet espoir, qui signifie projection dans le futur. La solitude oblige à vivre dans le présent. Et pourtant, elle est aussi l’espace qui laisse remonter son histoire, ses émotions, pour aller à la recherche de soi et répondre à «Qui suis-je et qu’est-ce que je veux de ma vie ?»

La solitude fait peur parce qu’elle confronte. Personne sur qui s’appuyer pour occuper le temps, prendre les décisions. Nous sommes inquiets à l’idée de ne pas savoir faire face. Dans le silence, ce que nous, simples mortels, découvrons en premier lieu, ce sont nos «démons». Ces démons sont nos angoisses, nos peurs, nos colères refoulées, tout ce que nous dissimulions dans les ténèbres de notre inconscient. Nous n’aimons pas beaucoup les regarder en face. Si nous ne faisons ce retour, cette plongée dans nos profondeurs, notre face réprimée, se manifestera dans notre vie, provoquant souffrances, échecs et répétitions.

Une époque solitaire - si difficile à vivre soit-elle parfois - est une étape de construction importante. Elle ne veut que nous apprendre à aimer, à rester un être entier auprès de l’autre. C’est en soi qu’est la solitude. Elle peut se vivre seul ou à deux. Il n’est pas nécessaire de se séparer pour trouver son autonomie. Il s’agit de prendre de temps à autre un peu de distance, de se garder des moments seuls, de conserver des activités indépendantes, d’être attentifs à ne pas chercher à combler tous les instants de manque par la présence de l’autre. Et... de ne pas faire reposer sur lui toutes les décisions de la vie quotidienne. Chacun passe par cette étape d’indépendance marquée par le besoin d’être seul, libre, d’explorer, de tester ses capacités propres, de choisir par soi-même.

Avec la liberté vient souvent la souffrance. L’apprentissage de la responsabilité est un long chemin. Ne laissez pas les autres décider pour vous. On court plus de risques à abdiquer sa liberté qu’à se tromper de temps en temps. Il est important de faire des expériences, de faire des erreurs, des bêtises même, pour acquérir des certitudes intérieures, pour construire la confiance en soi.

Les moments de solitude dans une vie sont des occasions de croissance personnelle, des occasions pour établir ou maintenir un meilleur contact avec soi-même et donc créer les meilleures conditions de l’amour. C’est le refus de la solitude bien plus que la solitude elle-même qui fait souffrir! En l’acceptant, en la choisissant, on l’apprivoise, on grandit avec elle. Elle vous apprend à vous aimer, à aimer. Aimez-la!

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Isabelle Filliozat
Source: Revue Psychologies.

Virage, Volume 2 Numéro 1, Automne 1996

L'Association canadienne pour la santé mentale - Chaudière-Appalaches

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