Pourquoi sommes-nous insatisfaits ? Quels sont les obstacles qui nous empêchent d'accéder au bien-être ? La réponse se trouve en nous. Mais elle n'est pas toujours facile à dénicher...
« Nous passons notre vie à attendre le moment magique qui transformera notre existence. Nous pensons que quand nous aurons telle ou telle chose qui nous manque actuellement, nous serons enfin pleinement heureux. Nous voudrions éliminer la souffrance qui nous habite afin de parvenir à la sérénité. » Psychothérapeute, Christine Meinhardt constate que cette conception du bonheur, si répandue sous nos latitudes, contribue à nous rendre malheureux. Car elle nous fige dans des attentes irréalistes et nous conforte dans l'idée que notre salut dépend des circonstances extérieures.
Les barrières mentales
Quand on a l'impression de courir après le bonheur sans jamais l'attraper, il est tentant de désigner des coupables : un conjoint peu compréhensif, un travail déplaisant, des ennuis financiers, la maladie. Mais la plupart du temps le problème est ailleurs. Bien des personnes s'imaginent que le bonheur est un état idéal, dénué de souffrance. Elles pensent que la souffrance n'est pas « normale » et qu'elles accéderont au bien-être le jour où elles en seront débarrassées. Elles croient que les gens heureux ne souffrent pas. C'est oublier que chacun a son lot d'épreuves et de douleurs. La souffrance, comme la joie de vivre, fait partie intégrante de la condition humaine. Pourquoi, alors que certains parviennent à apprécier la vie malgré ses difficultés, d'autres se focalisent-ils sur ses aspects négatifs ? Essentiellement en raison de pensées parasites dont ils n'ont pas toujours conscience et qui les poussent, selon Christine Meinhardt, à interpréter ce qui leur arrive de manière défavorable: « J'ai peur », « Ce n'est pas assez bien pour moi », « Je n'y arriverai pas », « Les autres ne m'aiment pas », « Je n'ai pas de chance », « Je ne vaux rien », « Je ne m'en sortirai jamais », « Je ne suis pas comme les autres », « Je ne mérite pas ça », « La société est pourrie », « Je ne serai vraiment heureux que si... » Toutes ces petites phrases expriment des convictions que nous ne songeons pas à remettre en cause. A la manière d'un filtre, elles dénaturent notre perception de la réalité, influençant notre jugement, notre comportement et nos relations avec autrui. Comme l'écrivait Anaïs Nin: « Nous ne voyons pas les choses comme elles sont, nous les voyons comme nous sommes. » Nous ne savons pas toujours que notre vision de la réalité se tisse à l'intérieur de nous-mêmes.
Peut-on apprendre à être heureux ?
On peut en tout cas, affirme la psychothérapeute, se préparer à accueillir progressivement le bonheur, en s'inspirant du proverbe « Aide-toi, le ciel t'aidera ! » Pour cela, il faut examiner sa vie comme un scientifique analyse l'objet de sa recherche. Méthodiquement. En cherchant à découvrir quelles sont les barrières mentales qui nous empêchent d'être heureux. En disant non pas « Je suis bloqué », mais « Mes réactions sont passionnantes, parce qu'elles m'apprennent quelque chose d'important sur moi-même ».
Penser autrement
Nous soupçonnons rarement à quel point nos pensées agissent sur notre quotidien. Nous plaquons des pensées inappropriées sur nos émotions, sans même prendre conscience que ce sont elles qui empoisonnent notre existence. A ce sujet, Christine Meinhardt cite volontiers l'exemple, on ne peut plus banal mais combien révélateur, de la personne qui va acheter du pain à la boulangerie. La boulangère sert sa cliente sans un sourire. Comment ladite cliente va-t-elle interpréter son air maussade ? Si elle est prisonnière de ses pensées négatives, elle se dira : « La boulangère ne me sourit pas parce qu'elle ne m'aime pas... c'est toujours pareil... personne ne m'aime... cela ne changera jamais. » Et elle se laissera submerger par des émotions qui renforceront encore sa vision pessimiste des choses.
Nous prenons souvent ce que nous pensons pour une vérité, alors que ce n'est qu'une hypothèse.
« Cette femme, remarque Christine Meinhardt, juge l'attitude des autres en fonction d'automatismes qui remontent à son passé. Marquée par le sentiment d'avoir été une enfant mal-aimée, elle en déduit que cela ne changera jamais. Elle mélange le passé, le présent et le futur, et n'a aucune prise sur ce qui lui arrive. A la vue d'un visage renfrogné, elle ressent une émotion sur laquelle elle plaque instantanément une conviction qui la rend profondément malheureuse. Comment échapper à ce scénario répétitif ? En se rendant compte que sa pensée influence sa manière de vivre la réalité présente. En décidant de prendre du recul, à la manière d'un scientifique, afin d'envisager les différentes interprétations possibles : peut-être la boulangère est-elle triste, peut-être a-t-elle mal dormi ou souffre-t-elle dans sa santé. En songeant à une telle hypothèse, la cliente peut faire preuve d'empathie et chercher à engager la conversation. Elle peut aussi décider de ne pas se mêler de ce qui ne la regarde pas. Mais, dans les deux cas, elle aura évité de réagir en se plongeant dans les miasmes de son passé. »
Un zeste d'imagination et de créativité aide à se libérer des vieux mécanismes et à envisager des points de vue différents. L'exercice est intéressant. Il permet d'agir sur sa vie et de la prendre en main, alors même qu'on se croyait condamné à répéter éternellement le même schéma. Quitter le rôle de la victime, c'est déjà accomplir un premier pas en direction du bonheur. Autre exemple cité par Christine Meinhardt : celui de l'épouse qui se désole parce que son mari ne lui manifeste pas suffisamment de tendresse. Elle voudrait tant que celui-ci la prenne de temps en temps dans ses bras pour lui faire des câlins ! Elle le lui dit, mais ses paroles restent sans effet. La femme y voit la preuve que celui-ci ne l'aime pas. Un jour qu'elle rentre du travail fatiguée, elle le lui reproche. Le mari s'exclame: « Mais j'ai préparé le repas ! » L'épouse réalise alors que c'est sa manière à lui de lui montrer son amour, et qu'elle avait interprété les sentiments de son mari en fonction de son seul point de vue à elle.
Il faut parfois des années pour comprendre qu'on n'a pas de prise sur l'autre, et que l'on ne peut agir que sur sa propre vie.
« Nous prenons souvent ce que nous pensons pour une vérité, alors que ce n'est qu'une hypothèse. Nous pensons que notre mari ne nous aime pas et nous retenons systématiquement les points négatifs qui nous confortent dans cette idée. Ce faisant, nous déformons la réalité et entretenons notre sentiment de tristesse. Si nous nous exercions à contester les pensées qui provoquent notre malaise (en nous disant par exemple « Non, là je suis encore branchée sur le passé ! »), nous verrions que nous sommes en mesure d'influencer notre état émotionnel et de réfléchir plus sainement. Nous pouvons également apprendre à éviter les déductions hâtives en écoutant attentivement notre interlocuteur, en osant le questionner pour vérifier la signification de ses paroles plutôt qu'en lui prêtant des intentions qui n'existent que dans notre imagination. Une autre erreur fréquente consiste à croire que l'autre doit changer. Il faut parfois des années pour comprendre qu'on n'a pas de prise sur l'autre, et que l'on ne peut agir que sur sa propre vie. Les personnes qui tentent l'expérience sont souvent surprises de constater qu'en modifiant leur manière de penser et d'agir dans un domaine précis, cela se répercute sur les autres aspects de leur existence. »
Écouter ses désirs
Beaucoup de gens se déclarent mécontents de leurs conditions de travail tout en se
persuadant, compte tenu du contexte économique, qu'ils n'y peuvent rien changer. Ont-ils vraiment envisagé d'autres possibilités ? « Certains vivent des situations pourries sur le plan professionnel, mais n'envisagent pas pour autant de quitter leur emploi, remarque Christine Meinhardt. Ils savent que ce serait la meilleure solution, mais ils sont tenaillés par la peur. Peur de se retrouver au chômage. Ou peur, tout simplement, d'aller se présenter chez un nouvel employeur. A ceux-ci je demande ce qu'ils désirent. Je travaille beaucoup sur cette notion de désir, qui peut être un puissant moteur de changement. Je leur suggère également de réfléchir aux différents moyens d'action : peut-être peuvent-ils améliorer leurs compétences, suivre des cours du soir, s'engager progressivement dans une nouvelle formation ? Qu'est-ce qui les retient d'essayer ? Je songe à cette jeune femme, titulaire d'une licence, qui s'ennuyait dans un emploi ne correspondant pas à ses capacités. Quoique frustrée, elle n'osait pas l'avouer. Elle n'osait pas davantage donner libre cours à ses ambitions. Cette apparente passivité avait pour cause sa loyauté envers son milieu d'origine. Fille d'ouvriers de condition très modeste, elle aurait eu honte de se déclarer insatisfaite alors qu'elle avait la chance de gagner un bon salaire. Des émotions enracinées dans le passé familial empêchaient cette femme de se réaliser au présent. » On ne change pas le passé. On ne l'efface pas. Mais on peut lui donner un sens et en tirer les leçons pour vivre avec profit de nouvelles expériences.
Marlyse Tschui.
Je vous souhaite une excellente journée à tous
Sia
Source :
Par Marlyse Tschui.
Extrait du Site internet de Edicom - Edipresse Publications,
N° 40 du 3 octobre 1999.
Merci pour ce bel article profond et combien lié à notre réalité quotidienne. Je m'en suis inspiré en citant votre source sur un article très court écrit sur mon blog (http://www.horizon-du-vietnam.com/la-photo-du-dimanche-au-vietnam/masure-et-bonheur-vietnam/).
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